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Indiana

George Sand Partie III, chapitre 21

 

Introduction :

Le XIXème siècle est témoin de l’émergence du sexe féminin dans le monde littéraire. Ainsi, les femmes s’émancipent et s’adonnent à l’écriture pour lancer leur cri de révolte contre l’asservissement, la soumission et l’absurdité du célèbre « Code Napoléon » qui a officiellement restreint leurs libertés individuelles. Parmi les écrivaines les plus connues, on peut citer George Sand, dont le texte est soumis à notre étude. De son vrai nom Aurore Dupin, la descendante illégitime d’une lignée aristocratique s’affranchit rapidement de son mariage et jouit alors d’une liberté bien rare pour une femme de son époque. En 1832, paraît « Indiana », le premier roman signé par George Sand de son pseudonyme. L’extrait en question relate le dialogue qui a lieu entre l’héroïne, Indiana, et son époux, le colonel Delmare, qui s’indigne de sa désobéissance et de son refus de se soumettre à son contrôle. Afin de comprendre comment George Sand fait-elle passer à travers le personnage d’Indiana une remise en cause du mariage tel qu’il est conçu à son époque , nous verrons comment un dialogue vif et rythmé nous plonge dans une atmosphère théâtrale, tout en illustrant les facettes du mariage traditionnel et en aboutissant à la victoire morale d’Indiana, une héroïne pleine de courage et de conviction.

 

I.Une mise en scène théâtrale

a)Un dialogue serré

-Scène entre 2 personnages en crise : Indiana a quitté le domicile conjugal pendant plusieurs heures et s’attend à une réaction violente ou un châtiment de la part de son mari.

-Affrontement mari/femme : Indiana accepte de continuer la vie commune à condition de ne pas se soumettre.

-Dialogue théâtral très serré :

-Répliques introduites par (-)

-Nom de l’interlocuteur non précisé

-Echange vif et rapide :

=>Questions/ réponses : duel

=> Apostrophes injurieuses : « femmelette », « sotte et impertinente créature », « orgueil imbécile, morgue de vermisseau » =>Interjections, jutons : « mille couleuvres », « mordieu »

-Tension entre les personnages et colère grandissante du colonel.

 

b)Des didascalies caractérisant chaque protagoniste

-Didascalies précisant le ton sur lequel sont prononcées les paroles : Colonel : « d’un air impérieux et dur », « verdit de colère et de surprise », « d’une voix chevrotante », « haussant les épaules » Indiana : « d’un ton glacial », « sans changer de visage »

-Mise en scène de la gestuelle violente du mari : « lui meurtrissant la main entre son index et son pouce », « serrant ses bras contre sa poitrine pour résister à la tentation de la frapper »

-Les didascalies nous renseignent sur le tempérament des personnages, leur état d’âme au moment de la scène, et nous montrent les enjeux dramatiques de cette scène pour Indiana.

 

c)Une façon de rendre la scène plus percutante

-Choix d’un dialogue théâtral -Discours direct : fait sentir la personnalité de chaque personnage, la violence du débat.

-Double-énonciation : Georges Sand fait passer plus directement ses idées par l’intermédiaire de son héroïne en jouant sur les émotions du lecteur, inquiet des risques que prend la jeune femme et impressionné devant son courage et sa maîtrise de soi.

-Forme théâtrale : dévalorise le colonel, dégrade son image par le biais des jurons et insultes (nous rappelle un personnage de Molière : le vieux barbon qui tempête avec beaucoup de bruit mais n’a aucune autorité sur sa femme et se voit ridiculisé).

 

II.L’illustration du mariage traditionnel

a) Un rapport de domination

- Rapport de domination clairement exprimé : « maître » (employé par les deux époux), « esclave », « seigneur » (systèmes sociaux abolis », « empire », « domination ».

-Souligne l’injustice et l’anarchisme de la relation mari/femme

-Rappelle le statut de la femme à l’époque, dicté par le « Code Napoléon »

-Un rapport régi par la société : «La loi de ce pays vous a fait mon maître », « la société vous le confirme ».

 

b)Un mari caricatural persuadé de son pouvoir

-Delmare= véritable caricature du mari borné et sûr de sa domination.

-Aucun argument valable, s’appuie sur des clichés : « qui donc porte une jupe et doit filer une quenouille ? » (l’écrivaine elle-même ayant souvent porté des tenues vestimentaires masculines)

-Pour lui, la femme n’est bonne qu’aux tâches domestiques et à la lecture des romans, sans la moindre capacité intellectuelle : « sotte et impertinente créature », « imbécile », « dérangement de votre esprit ».

-La femme est une éternelle mineure => diminutifs péjoratifs : « femmelette », « vermisseau », une « créature impertinente » comme un enfant, ou même un animal que l’on peut « dompter ».

-Elle ne peut susciter chez son mari que la pitié d’un être supérieur envers un inférieur trop faible : « vous abusez de la pitié qu’on a de vous », « j’ai pitié du dérangement de votre esprit ».

-La femme doit se soumettre et obéir à son époux, sans droit à la parole : « taisez-vous », supporter les violences « vous pouvez lier mon corps, garrotter mes mains, gouverner mes actions », n’ayant pas le droit à la révolte.

 

III-La victoire d’Indiana

a)Un personnage plein de courage et de conviction

- Courage => aucune peur ni faiblesse devant son mari qui la menace.

-Maîtrise de soi => « digne et froid comme elle », « d’un ton glacial », « sans changer de visage »

-Le colonel se laisse emporter par sa colère et a conscience de sa défaite : « il sentit qu’il avait tort, et il ne craignait rien tant au monde que de rougir de lui-même »

-Indiana est déterminée : elle ne veut plus être sous la dépendance totale d’un homme depuis la trahison de son amant et veut s’affirmer : « Non, monsieur », « J’y tiens fort peu », « Je le crois », « Je ne le veux plus ».

-Elle rejette l’idée de l’épouse soumise et affirme sa volonté : =>Verbe « vouloir » x 4 =>Champ lexical de la volonté : « intention », « volonté », « de mon plein gré », « conviction » =>Forme négative : « vous n’avez pas le droit », « vous ne pouvez rien », « vous n’êtes pas moralement mon maître », « je n’obéirai jamais qu’à moi-même ».

- Cette volonté de résistance est ancrée dans sa nature => début du roman : « Elle n’aima pas son mari, par la seule raison peut-être qu’on lui faisait un devoir de l’aimer, et que résister mentalement à toute espèce de contrainte morale était devenu chez elle une seconde nature, un principe de conduite, une loi de conscience ».

- Force de conviction : elle ne se justifie pas, ne se sent pas coupable, elle prouve son bon droit et la justesse de ses revendications : « je veux vous convaincre », « pour vous prouver », « pour vous montrer » => c’est elle qui a des leçons à donner à son mari, et non l’inverse.

- Indiana trouve des armes dans le caractère de son mari : Delmare, « l’enfant irritable, rigoriste e ridicule » apparaît ridicule dans ses prétentions, sa colère puérile et sa vanité face à sa femme, digne, résolue et déterminée.

 

b)La défaite du mari

Indiana sort victorieuse de cette scène :

- Interventions du narrateur omniscient : « contraint devant elle, maté par la supériorité de son caractère » => inversement des rapports de force.

- Répartition de la parole : Indiana parle plus que son mari => c’est finalement elle qui lui donne des conseils et même des ordres : « ne perdez pas votre temps », « occupez-vous du départ ».

- Retournement de situation paradoxal : elle fait comprendre à son mari qu’aller contre les volontés de sa femme, c’est « exercer sur elle un empire dérisoire » =>Antithèses opposant l’extérieur et l’intérieur : « Vous pouvez lier mon corps, mais sur ma volonté, monsieur, vous ne pouvez rien », « vous pouvez m’imposer silence, mais non m’empêcher de penser ». =>Autres antithèses : « accompagnée / non pas ramenée », « voulu/contraindre », « votre volonté / mon intention ».

- Elle a le dernier mot : « Je n’obéirai jamais qu’à moi-même ».

 

Conclusion :

A travers une scène pleine de tensions, George Sand dresse le portrait du mariage tel qu’il est conçu à son époque. Le personnage d’Indiana incarne les valeurs de la liberté et le désir de l’émancipation féminine qui siège dans le cur même de l’écrivaine. Cette dernière se révolte visiblement contre le statut de la femme soumise à l’arbitraire total de l’homme, mais fait d’Indiana l’allégorie de la lueur d’espoir qu’elle veut transmettre à ses concitoyennes. La femme peut disposer d’une seule liberté, la liberté de conscience, et c’est en travaillant sa force d’âme qu’elle peut surmonter la domination conjugale. Ce roman est donc bien une uvre de combat, comme le montre l’auteure dans la Préface de 1842 : « J’ai écrit Indiana avec le sentiment non raisonné, il est vrai, mais profond et légitime, de l’injustice et de la barbarie des lois qui régissent encore l’existence de la femme dans le mariage, dans la famille et la société. »

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